Page 2 CV (11) Curriculum VitaleRésumé :

Il ne faut jamais perdre de vue que les musiciens sont avant tout des artistes, c’est à dire des êtres particulièrement sensibles et émotifs dont l’œuvre ou la carrière constituent l’axe central de leur existence et autour duquel s’articule tant bien que mal toute leur vie, y compris leur  » vie privée « . Leur quête de perfection entretient chez eux un état de tension qui peut être difficile à supporter s’il s’ajoute, ce qui est fréquent, des difficultés d’ordre physiologique, matériel ou sentimental.

J’ai décidé d’aborder le métier de violoniste non pas par le côté artistique, mais par les contraintes de travail et les pathologies que celles-ci engendrent. Nous envisagerons ici que les affections musculo-squelettiques d’ordre professionnel touchant le membre supérieur du violoniste qu’elles soient musculo-tendineuses, articulaires, les lésions des nerfs périphériques et les dystonies de fonction.

L’objectif de cet article est : de vous faire part des connaissances actuelles concernant les lésions musculo-squelettiques les plus fréquemment rencontrées chez le violoniste en dressant un inventaire de ces troubles, d’analyser les principaux facteurs de risques qui peuvent être directement responsables de leur apparition, agir comme déclencheur ou créer des conditions propices à l’expression de l’atteinte et finalement d’étudier les interventions possibles afin de définir des « stratégies de prévention » pour la pratique musicale quotidienne des violonistes.

On note que ces pathologies ont plus d’intérêt grâce aux études épidémiologiques récentes en Europe qui ont montré une fréquence de ces affections chez le violoniste d’une part et  d’autre part elles n’ont été éclaircies que récemment et font toujours l’objet de discussions.

Mots clés :

Le violoniste – les troubles musculo-squelettiques(TMS) – facteurs de risques des TMS – préventions des TMS.

Introduction :

Les  musiciens connaissent au cours de leur pratique des problèmes de santé liés à leur jeu instrumental, d’ailleurs ils rencontrent  fréquemment la pathologie musculo-squelettique dans des proportions qui varient avec l’instrument.

Parmi les problèmes liés à la pratique musicale dont souffrent les violonistes, nombreux sont ceux qui s’installent dès l’apprentissage de l’instrument : posture non physiologique, environnement ergonomique inadapté, programme de travail déraisonnable, manque d’activité physique complémentaire, etc.

Mon article s’intéresse spécialement aux violonistes, qui sont comme tous les musiciens  soumis à des facteurs stressants qui prédisposent aux blessures musculo-squelettiques, il a comme premier objectif  de mettre à jour l’importance réelle du problème des TMS, d’inciter à faire des études en Tunisie, pour comparer les prévalences avec celles d’autres études ailleurs et enfin de dresser un inventaire des pathologies neuro- musculo-squelettiques les plus fréquentes liées à la pratique du violon et de déterminer les facteurs de risque et d’en déduire des stratégies de prévention.

Je n’envisagerai ici que les affections d’ordre professionnel touchant le membre supérieur qu’elles soient musculo-tendineuses, articulaires, les lésions des nerfs périphériques et les dystonies de fonction.

Méthodologie :

Tout d’abord je vais définir les troubles musculo-squelettiques engendrés par la pratique professionnelle du violon, les décrire puis on va mentionner un trouble particulier qu’est la dystonie de fonction.

En suite je vais analyser les facteurs de risques qui peuvent être à l’origine de ces problèmes, facteurs pouvant  être liés au violon joué ou aux conditions de la pratique (apprentissage, jeu amateur, niveau d’exercice professionnel, type de musique jouée, etc.).

Enfin, je vais en déduire des stratégies de préventions essentielles.

 Résultats :

En repérant les gestes et les postures du violoniste on note que ce dernier,  pour maintenir son violon, forme une pince au moyen de son épaule gauche et du menton. Pour cela, son rachis cervical est en flexion latérale et en rotation permanente forcée, et l’épaule gauche est surélevée, avec une mise en jeu en particulier des muscles de la région cervicale. Le bras droit est en général levé au niveau ou au-dessus du plan horizontal des épaules. Il existe une supination forcée de la main gauche.

J’ai observé aussi au niveau des mains une pince pollici-digitale forcée, que ce soit au niveau de la main droite pour maintenir l’archet, ou que ce soit au niveau de la main gauche pour pincer les cordes. Enfin, il existe une hypersollicitation, souvent à grande vitesse, des articulations du membre supérieur droit.

On en déduit que les violonistes sont particulièrement concernés en raison de contraintes énormes au niveau des deux membres supérieurs, du fait de la posture même, mais aussi en raison du vibrato.

Le violoniste professionnel fait donc subir à son organisme des violences anatomiques. L’effet cumulatif des contraintes physiques peut se faire sentir à court terme. Mais le plus souvent la contrainte mécanique et les postures incorrectes ont des répercussions à plus long terme. Le travail dans une  telle position souvent anti-physiologique va entraîner des perturbations importantes des axes de travail articulaires, à l’origine des tensions musculaires accroissant la fatigue. L’effort, la répétitivité et les postures extrêmes dans une contrainte de temps conditionnent le poids des sollicitations.

Discussion :

Les TMS : Est un ensemble de troubles dus à l’accumulation de petites blessures répétées provoquées par des contraintes mécaniques, Ils sont classifiés en trois groupes : les affections articulaires et tendineuses, les syndromes canalaires, les dystonies de fonction.

Les affections articulaires et tendineuses: Elles touchent surtout les membres supérieurs des violonistes .Elles sont dues à la répétition d’efforts physiques surpassant les possibilités physiologiques normales des tissus. Mais la répétition des contractions musculaires même prolongée, est bien supportée si elle se fait dans de bonnes conditions physiologiques. L’arthrose du pouce est une atteinte articulaire fréquente chez le violoniste.

Les syndromes canalaires : Les activités du violoniste  soumettent le corps à des mouvements tout à fait spécifiques aux pratiques. La vitesse, la répétition, des angles de fonctionnement articulaires peu physiologiques sont ainsi exigés. Un tel fonctionnement biomécanique peut prédisposer aux compressions nerveuses. Ces syndromes canalaires (Expression de la compression des nerfs), sont à l’origine des paresthésies, crampes, fatigabilité…

  •     Le syndrome du canal carpien (nerf médian): Les compressions nerveuses chez le violoniste sont  dues à l’appui du violon sur la base de l’index gauche.La flexion exagérée du poignet entraîne un syndrome du canal carpien par compression du nerf médian.
  •     Compressions du nerf radial.
  •     Compression du nerf cubital:  La flexion prolongée du coude gauche chez le violoniste peut entraîner des compressions du nerf cubital.
  •     Compression du plexus brachial et des vaisseaux à la base du cou: syndrome de la traversée cervico-thoraco-brachiale. La compression peut être vasculaire, neurologique ou mixte.

Les compressions nerveuses touchent aussi les épaules donnant la Névralgie cervicobrachiale.

    La dystonie de fonction (syndrome de surmenage ): Dans certaines conditions particulières (passages difficiles d’un morceau)  le musicien n’arrive plus à contrôler le mouvement d’un ou de plusieurs doigts. Le trouble s’installe progressivement et survient lors de la répétition de traits rapides demandant une grande précision.

Ce trouble du contrôle de la motricité a plusieurs particularités :

  • Il ne se manifeste que lors du jeu instrumental. Dès que le musicien arrête de jouer il retrouve l’usage normal de ses mains.
  •  En général, il se caractérise par des contractions musculaires et ne s’accompagne d’aucune douleur. La force musculaire et la sensibilité cutanée de la main sont conservées.

La dystonie de fonction chez le violoniste  se manifeste au   niveau des 4èmes et 5ème doigts. Le musicien n’arrive pas à positionner son 5ème doigt, qui, mal placé, chevauche le 4ème.

La dystonie de fonction également surnommée « crampe du musicien » est un trouble fonctionnel qui touche essentiellement la main gauche ou droite du violoniste.

Voyons maintenant les facteurs du risque qui peuvent favoriser l’apparition des TMS.

Elles  peuvent être   en relation avec le geste et les postures :

  •         L’activité réalisée dans des zones articulaires extrêmes.
  •         Les efforts excessifs.
  •         La répétitivité des gestes.
  •         Les activités dans des positions maintenues.

Elles  peuvent être aussi  en relation avec les facteurs psychosociaux, en rapport des organisations du travail ou plus largement de l’activité.

Enfin à ces risques se rajoutent les risques personnels : genre, antécédents médicaux, etc.

Chaque facteur de risque (biomécanique, psychosocial, organisationnel et personnel) concourt à des degrés divers à l’apparition d’un trouble musculo-squelettique. Si la part spécifique de chacun des facteurs de risque reste parfois difficile à déterminer, le cumul de ces facteurs joue un rôle multiplicatif.

Il faut donc analyser ces facteurs de risque qui peuvent être individuels ou liés à l’instrument ou aux conditions de pratique afin d’avoir une connaissance de ces pathologies.

Je ne saurais terminer cet article sur la pathologie neuro-musculo-squlettique sans évoquer sa prévention. Celle-ci est possible, dans une certaine mesure, si on analyse les principaux facteurs responsables de ces troubles : mauvaises positions, pratique intensive, changement de technique, hygiène de vie insuffisante, anxiété, ce dernier facteur étant probablement le plus difficile à traiter.

La prevention est ainsi complexe .Elle comporte trois phases :

La prévention primaire qui vise à lutter contre les risques, bien en amont de l’apparition du trouble musculo-squelettique. L’intégration de cette prévention dans l’activité elle-même paraît la meilleure des stratégies. Cela demande de travailler sur la base de consensus au niveau des pratiques et d’élargir le champ de connaissances des pédagogues et des pratiquants dans le domaine de la physiologie et de l’anatomie fonctionnelle, de la psychologiedelaperformance.

La prévention secondaire dont le but est de dépister le trouble dans une phase précoce, d’éviter l’extension du processus pathologique, d’empêcher du fait de la douleur des postures de compensation, des gestes inadéquats. Le dépistage et l’education sont donc necessaire afin d’empecher l’apparition des troubles.

La prévention tertiaire, elle doit permettre d’éviter les rechutes, les complications, de faciliter la réadaptation fonctionnelle et la reprise de l’activité lorsque celle-ci à été interrompu.

La première chose, indispensable, est de faire prendre conscience des contraintes liées à son travail de violon. C’est seulement dans un deuxième temps que l’on pourra envisager de lui faire accepter de modifier certains automatismes de travail et de le convaincre du bien-fondé des mesures de prévention.

Le violoniste doit respecter des règles fondamentales :

  • Prévoir un échauffement musculaire doux systématiquement avant tout effort.
  • Compléter avec des exercices d’étirement après l’effort.
  • Ménager des séquences de repos au cours du jeu, chaque fois que possible avec relâchement de l’instrument et dégagement des épaules en arrière.
  • Veiller à une posture correcte avec appui pelvien symétrique et alignement cervical.
  • Utiliser un siège de qualité permettant les réglages à sa mesure de la hauteur de l’assise et du dossier, avec appui lombaire et inclinaison de l’assise variable. La hauteur du pupitre doit aussi être adaptée.
  • Dans le cas d’une posture assise prolongée, penser à effectuer quand c’est possible  des mouvements des jambes (rotation des pieds par exemple).

La plupart des musiciens n’ont aucune idée précise des multiples structures nécessaires pour exécuter les mouvements complexes qu’exige leur art, sans que leur jeu s’en ressente. Toutefois, cette ignorance peut être à la source des nombreuses affections qui sont susceptibles de troubler et parfois d’interrompre leur carrière.

 Conclusion :

    Trop de violonistes, amateurs, élèves ou professionnels  connaissent encore malheureusement des troubles fonctionnels liés à leur pratique instrumentale.        Ces troubles musculo-squelettiques (TMS) reliés à la pratique du violon sont donc des atteintes dont l’étiologie est multifactorielle. Ces lésions  réfèrent aux troubles des structures périarticulaires dans lesquels plusieurs tissus aux propriétés différentes peuvent être atteints.

Les facteurs de risque peuvent être directement responsables de leur apparition, agir comme déclencheur ou créer des conditions propices à l’expression de l’atteinte.

Les principaux facteurs de risque sont la répétitivité, la force, la posture et l’insuffisance de périodes de repos. La réaction d’un violoniste  à ces stresseurs externes dépend de plusieurs conditions, dont les caractéristiques individuelles et l’état de santé.

Mon article a mis à jour l’importance réelle du problème des TMS à fin d’inciter à faire des études en Tunisie qui auront comme objectifs de déterminer la prévalence de ces troubles chez le violoniste, d’établir une corrélation entre ces symptômes et les facteurs en rapport avec la pratique professionnelle et de réaliser la prise en charge préventive et curative  pour  montrer l’importance de ces problèmes et de déterminer les taux de prévalence des TMS .

Je pense que les professeurs de musique, le corps médical, et aussi les instrumentistes soient informés des manifestations de ces troubles et des facteurs qui peuvent les provoquer afin d’établir des mesures préventives. Il est essentiel d’intégrer cette prévention dès l’apprentissage et c’est-à-dire tout le rôle des enseignants de musique, mais aussi des parents en les formant pour repérer les signes d’alerte. Enfin, c’est aux médecins, kinésithérapeutes psychologues d’aider ces musiciens à un bon usage corporel et psychologique après une incapacité temporaire afin d’éviter une récidive. Et c’est l’ignorance de ces mesures qui peut être à la source des nombreuses affections qui sont susceptibles de troubler et parfois même  d’interrompre la  carrière artistique du violoniste.

D’où la nécessité d’une approche multidisciplinaire de l’information des violonistes et des musiciens en général sur l’anatomie fonctionnelle, l’hygiène de vie et l’orgonomie et les troubles neuro-musculo-squelettiques  qui en découlent du non respect de ces règles. Il est donc intéressant de pratiquer des études pour exploiter ces facteurs

Ces troubles musculo-squelettiques doivent-ils être  reconnus comme maladies professionnelles ?

Bibliographie :

TUBIANA (Raoul), Pathologie professionnelle des musiciens, Elsevier/Masson,  2002, 244 pages.

Webographie :

www.medecine-des-arts.com